« La danse est-elle une traduction ou une nouvelle langue ? » C’est la question articulée et gesticulée par la danseuse polyglotte Michaela Piklova en résidence au Flow avec les élèves allophones du collège Nina Simone à travers la série d’ateliers de « Je me languis ». 

"Je me languis" : danser la langue avec ou sans accent - par Lorraine Vaney

 

Porté par le Flow, le projet "Je me languis" fait dialoguer les visions et l’expérience partagées des langages et du mouvement de Michaela et Caroline De Freitas, professeur de français langue étrangère pour les élèves allophones du collège Nina Simone. 

Face à elles, une dizaine d’adolescents et autant de nationalités. Chacun d’eux a un lien avec la danse dans son pays d’origine et un rapport à la langue française par leur prisme de leur langue maternelle; c’est cet échange entre danse, origine, et langage, que le duo explore avec le groupe, à travers la poésie et le corps. 

Le poème de Georges-Marie Lory, extrait du recueil « 136 » aux éditions Bruno Doucey a été choisi par Caroline dans le cadre du Printemps des Poètes comme base de travail. 

« Cet accent qui traîne sur le papier est un cil abandonné j’aime les accents étrangers » 

Ce poème est traduit dans 136 langues : en partant du français, les collégiens improvisent, explorent et expérimentent différents mouvements pour interpréter le texte à leur façon. La création est participative et collective ; la chorégraphie finale leur appartient. 

Michaela guide le groupe et encourage les plus timides. Elle parle un français impeccable, mais teinté d’un accent qu’elle n’a pas effacé ; la sonorité particulière qu’elle apporte à la langue française est le trait d’union qui la lie aux collégiens allophones. Cette entente commune est gage de confiance et de complicité entre la danseuse et les adolescents. 

Partant de la même base chorégraphique créee à partir de la version française du poème, les élèves écoutent, dans un deuxième temps, les versions dans leurs langues d’origines et cherchent à adapter la texture et la qualité de leurs mouvements pour être au plus proche du son et de l’énergie portée par leurs langues. 

L’idée articulée par « Je me languis » est bien d’utiliser le langage chorégraphique comme un lien physique qui dépasse le vocabulaire, et d’y infuser les sonorités particulières à chaque participant : comme un accent qui ne dénature par la langue parlée, mais lui ajoute une distinction, une couleur. C’est une affaire d’écoute, de sensibilité et d’authenticité. 

Car l’apprentissage d’une langue est de fait une question d’oreille et de sonorités. Michaela et Caroline partagent la même observation : avant d’entrer dans la langue, il faut rentrer dans le corps. Les leçons de français de Caroline, qui pratiqua elle-même la danse contemporaine à Berlin, commencent d’ordinaire debout et par quelques exercices de respiration. Cela permet aux élèves de s’ancrer et de se préparer à l’écoute et à l’apprentissage. 

En sous-texte, « Je me languis » permet d’explorer la danse comme méthode de travail et outil mnémotechnique. Ce premier projet tient lieu d’expérimentation pour le collège Nina Simone et illustre avec brio l’inventivité et la complémentarité de chacun des porteurs de ce projet. Pour reprendre les mots de Michaela : « la matière dansée restera vivante et ouverte à toute éventualité. » 

 

N’hésitez pas à suivre Michaela et sa compagnie sur instagram (@michaela_pikla) et retrouvez tout le programme du Flow sur leur page : https://flow.lille.fr/ 

 

Texte  : Lorraine Vaney

Photo : Victor Pacula